- LUBA ET LUNDA
- LUBA ET LUNDALes Luba et les Lunda sont deux peuples d’agriculteurs bantous du Zaïre, vivant dans la savane du sud de la forêt équatoriale. Ils ont formé jadis des empires dont les analogies ont souvent suscité des comparaisons. Ces deux empires, qui n’avaient pas de frontière commune, ne se heurtèrent pas dans le passé. Dans les années qui suivirent l’indépendance, les deux partis politiques rivaux du Katanga, la Conakat et la Balubakat se recrutèrent chacun dans l’une de ces ethnies. Moïse Tshombé, qui fut président du Katanga sécessionniste, était parent du Mwata Yamvu (titre du souverain Lunda).Conditions géographiques et historiquesLes Luba vivent dans les provinces du Kasaï et du Shaba. Certaines de leurs chefferies se transformèrent en royaumes, au Shaba, au cours du XVIe siècle; le plus étendu et le mieux connu d’entre eux, au nord du lac Upemba, fut fondé par Kongolo, chef venu du nord ou de l’est, avec l’aide d’un chasseur aristocratique qui lui apprit les usages de la monarchie sacrée, notamment le fait que nul ne peut voir le roi boire ou manger. Ce chasseur épousa les sœurs de Kongolo; un de ses fils, Kalala se querella avec son oncle, le tua et lui succéda, fondant une longue dynastie de monarques. Les autres royaumes Luba sont ceux de Kikonja, sur la rive du lac Kisale et, à l’ouest, celui des Kaniok et celui des Kalundwe. Les traditions historiques de ces États n’ont pas été bien étudiées: l’origine des fondateurs, la succession des rois sont l’objet de versions contradictoires. Des découvertes archéologiques faites au bord du lac Kisale prouvent qu’au IXe siècle déjà ces lieux étaient habités par des agriculteurs qui utilisaient une monnaie de cuivre cruciforme, la croisette, et façonnaient des poteries d’un style qui paraît classique.Les Lunda occupent l’ouest de la province du Shaba, mais aussi l’Est angolais et le nord-ouest de la Zambie; leur langue est parlée actuellement par environ cent mille personnes. Comme elle ne possède guère de voyelles terminales, ethnologues et linguistes s’efforcent de modifier l’orthographe traditionnelle pour la rapprocher de la langue parlée: ainsi Aruund , substantif, et ruund , adjectif, remplacent Lunda. On suivra cependant ici l’usage depuis longtemps établi dans les textes français.Au XVIe siècle, les Lunda formaient déjà une entité politique. D’après la tradition, le chef Nkond, attaqué par ses fils Tchinguri et Tchinyama, fut sauvé par sa fille Lueji (ou Rwej) à qui il légua son royaume. Selon une des versions du mythe, Nkond, ivre, se dénuda: ses fils se moquèrent de lui, mais Lueji le couvrit de son manteau. Elle épousa Tchibinda Llunga, fils du roi Luba Kalala, d’où la thèse généralement admise de l’origine Luba de la dynastie Lunda. Le chasseur Tchibinda Llunga fut pour les Lunda ce que son grand-père avait été pour les Luba: un héros civilisateur. Il leur apprit le rituel de la monarchie sacrée, l’art d’organiser l’État et des méthodes de chasse plus perfectionnées; avant lui, les Lunda ne connaissaient que les pièges, la fronde, la massue: il leur apporta l’arc et les flèches, le couteau, la hache. Lueji, stérile, fit pour son époux le choix d’une seconde femme qui lui donna un fils successeur, Mwata Yamvu. Il agrandit le royaume et en édifia la structure politique, semblable à celle de l’empire Luba. Le souverain Lunda, installé au village royal de Musumba, près de Kapanga, prit le titre de Mwata Yamvu ou Mwant Yav.Structure politique et socialeLes Luba sont patrilinéaires. Au Kasaï, il n’y a pas d’organisation politique supérieure au village. Au Shaba, le village, formé d’un ou de plusieurs lignages, était dirigé par un chef nommé par un supérieur hiérarchique. Plusieurs villages formaient la chefferie, dirigée par le kilolo , chef territorial. Les chefferies étaient groupées en provinces, qui formaient le royaume. Seules les chefferies des «propriétaires du sol» étaient héréditaires et échappaient aux nominations hiérarchiques. Tous les chefs nommés étaient balopwe , c’est-à-dire membres des lignages des rois légendaires Kongolo et Kalala. Chaque souverain construisait sa capitale; à sa mort, celle-ci était confiée à une femme qui restait en contact avec l’esprit du défunt et la léguait à ses héritiers; cette terre sacrée restait libre. Chacun des titres des dignitaires de la cour royale correspondait à une fonction; le premier était le twite , chef de guerre et commandant d’un corps permanent d’officiers.Le roi était censé posséder des pouvoirs surnaturels; il était source de toute vie du fait du balopwe , qualité transmise par le sang dans la ligne masculine et fondement de toute autorité. Le pouvoir absolu du monarque était tempéré par les complots éventuels de ses demi-frères.Chez les Lunda, le système de descendance n’est pas unifié; au sud, à cause du voisinage des Tchokwe matrilinéaires, la famille de la mère joue un rôle privilégié; au nord, la proximité des Luba fait préférer la famille du père. Ces deux influences engendrent dans la capitale Musumba un système bilatéral, les parentés agnatique et utérine ayant une même importance sociale et politique. L’enfant appartient aux deux parentèles et peut choisir de résider dans l’une ou l’autre. Il en résulte une moindre importance des clans, nécessairement unilatéraux.L’empire Lunda repose sur deux institutions spécifiques et complémentaires: la parenté perpétuelle, c’est-à-dire le maintien fictif, entre les dignitaires, de la parenté biologique qui unissait les fondateurs éponymes et la succession positionnelle, ou identité totale entre successeur et prédécesseur d’un même titre. Ainsi, le Mwata Yamvu actuel est la réincarnation du premier roi de ce nom, la Lueji actuelle est identique à la première, la Lukonkesha est la mère du Mwata Yamvu, passé et présent. Il en va de même pour tous les dignitaires. Ce système donne, évidemment, de la solidité et de la continuité aux relations politiques et rend l’accès aux hautes fonctions plus aisé que chez les Luba, qui les réservent aux seuls balopwe . Le futur Mwata Yamvu, choisi par un conseil de notables, doit être «fils» d’un autre Mwata Yamvu, c’est-à-dire de sang royal par son père ou par sa mère. La parenté biologique bilatérale, renforcée par la parenté perpétuelle attribuée à l’élu, ouvre pour chaque titre un large réseau de successeurs possibles. De là vient probablement l’assimilation aisée à la culture Lunda de tribus voisines, soumises à une aristocratie Lunda.Comme les Luba, les Lunda entourent le monarque d’un rituel élaboré, spécialement en ce qui concerne ses repas pris à l’abri de tous les regards. Le symbole royal essentiel est le rukan ou lukano , bracelet de fibres serrées recouvert, jadis, de veines humaines. Le Mwata Yamvu est source de toute vie, comme le soleil. Le rituel de son investiture le fait participer à la nature du dieu-serpent chthonien. Un même ordre dispose, autour du roi, les membres du grand conseil, leurs maisons par rapport au palais, la marche de l’armée.Philosophie, religion et artLes Luba du Shaba ont inspiré à Placide Tempels, missionnaire franciscain, un livre, La Philosophie bantoue , qui a suscité un intérêt international. Formé à la philosophie scolastique, l’auteur a introduit la pensée Luba dans ce cadre occidental, en remplaçant l’Être immuable par le mouvement, la vie, l’action. Les Luba ont-ils vraiment jamais atteint un tel degré d’abstraction? Peut-être par la voie du symbolisme attaché à la personne royale, source de toute vie. Cette idée rejoint celle d’un dieu unique, transcendant et créateur, attribuée aux Luba par certains auteurs.Les défunts, oubliés ou non, forment le monde des esprits et vivent chez ce dieu. Il convient de les apaiser; c’est la fonction d’une association funéraire Lunda, celle des Acudyaang: réservée aux hommes, elle exclut toute fonction politique, mais est encouragée par les autorités. Le but est d’assurer au mort la résurrection par des danses qui imitent le mouvement d’oiseaux aquatiques: l’eau est, en effet, symbole de vie. Des plumes, chargées par association d’idées du même symbolisme, parent les danseurs et le cadavre. L’idée de résurrection est évidemment à rapprocher de celle de la succession positionnelle.L’art Lunda ne se distingue pas de celui des Tchokwe, tribu du nord de l’Angola dirigée par des chefs Lunda. La sculpture Luba contribue au prestige des chefs: statuettes, sièges à cariatides, bâtons de commandement ont été maintes fois décrits. Le «style de Ruli» est particulièrement remarquable. Les têtes stylisées, mais réalistes, au modelé énergique portent des coiffures compliquées sur la nuque. Le lubuko , petit cadre en bois sculpté surmonté d’une tête, est l’outil d’un devin très sollicité: à toute question il répond oui par un battement, ou non par un mouvement horizontal.
Encyclopédie Universelle. 2012.